18/12/2017
Banques : le tout digital ne suffit pas
Pour Baudoin Choppin de Janvry, Directeur Conseil Industrie Financière chez Deloitte, si les banques ont réussi à intégrer le digital dans leur feuille de route, répondant ainsi aux attentes des clients, elles ne doivent cependant pas en oublier l’humain pour faire la différence.
Mission ATAWAD réussie pour les banques françaises
« En matière de transformation digitale, ce sont les clients qui mènent la danse », commence Baudoin Choppin de Janvry. Changement d’expérience client, nouvelles exigences… pour tous les secteurs confondus, la mission ATAWAD (Anytime, Anywhere, Any Device) est lancée. La signification pour les banques ? La nécessité de permettre au client d’effectuer ses opérations, qu’elles soient de consultation ou de transaction, n’importe où, n’importe quand et avec n’importe quel support. Dernier exemple en date cité par le Directeur Conseil Industrie Financière : la possibilité de suspendre sa carte bancaire et de la réactiver directement depuis son smartphone comme avec l’application Ma Banque, sans avoir besoin de contacter une hotline, un parcours autrefois de rigueur. « Cette autonomie, une majorité de clients l’ont prise, et on ne reviendra pas en arrière », précise Baudoin Choppin de Janvry.
L’exemple cité par le Directeur Conseil Industrie Financière, associé aux investissements massifs réalisés dans le développement des outils digitaux, montre bien que les banques françaises ont « largement compris » les attentes des clients, et intégré le digital comme « composante essentielle » de leur feuille de route.
Baudoin Choppin de Janvry voit cette évolution bancaire comme « une étape de plat du Tour de France. » Sans Internet fixe, Internet mobile, visioconférence, chat, et bientôt chatbot avec intelligence artificielle, « vous perdez la bataille car c’est un standard du marché. » Pour autant, le tout digital est bien loin de garantir aux banques de remporter la course.
Le digital ne va pas sans l’humain
« Les clients demandent une ré-humanisation de la relation digitale. Si le 2.0 a ses avantages, il connaît également ses limites. Face à une hésitation, le client doit pouvoir à tout moment dans son parcours digital » trouver un contact humain ou proche de l’humain : Centre Relation Client (CRC), chatbot accoutumé au langage usuel, SMS… il doit pouvoir compter sur une présence rassurante et trouver rapidement les réponses à ses questions. Mais face à un moment de vie particulièrement difficile, l’intelligence artificielle, aussi « smart » soit-elle, n’aura pas « le niveau d’empathie et de finesse » que peut avoir un être humain.
Sans relation humaine, les clients ne se sentaient plus en confiance.
D’où l’importance pour les banques de se montrer aptes à soutenir leurs clients et à les accompagner au mieux. Aujourd’hui très bien adapté pour traiter les demandes d’achat de bien immobilier, achats de biens à la consommation ou encore les réclamations clients, le métier des conseillers est appelé à se transformer. Tout d’abord, pour se rapprocher des clients, particuliers et professionnels, afin de répondre présent pour le meilleur et pour le pire. « La banque qui ‘gagnera’ demain, sera celle qui aura réellement mis en place des structures d’écoute et de traitement des moments de vie. » Plusieurs banques françaises ont d’ores et déjà pris conscience de cette nécessité, avec, par exemple dans les Caisses Régionales du Crédit Agricole, la mise en place d’équipes spécialisées dans le traitement des divorces pour éviter qu’un des deux clients change de banque. « Ces banques ont su progresser dans la gestion de ce moment de vie, et elles perdent bien moins de clients », précise Baudoin Choppin de Janvry.
Autre transformation du métier de conseiller, destinée à encore renforcer l’humain : les « conseillers augmentés ». Une évolution que le spécialiste du secteur bancaire prévoit en deux temps. Le premier, avec l’augmentation des compétences des collaborateurs grâce à des robo advisors, des bots intelligents en hotline ou encore avec des gestionnaires de scripts. Le but étant de proposer très vite aux clients les solutions les plus adaptées à leurs demandes. Dans un second temps, lorsque la technologie sera capable de se débrouiller seule sur les tâches techniques et administratives, le conseiller pourra se focaliser sur l’empathie et la personnalisation de la relation, une « vraie valeur ajoutée » que ne pourra « jamais avoir la machine et qui fera toute la différence. » Pour exemple, Baudoin Choppin de Janvry cite certaines entreprises américaines, qui, après avoir expérimenté le 100% digital avec uniquement des robots, ont très vite réintroduit l’humain dans leurs activités. « Sans relation humaine, les clients ne se sentaient plus en confiance. »
Acclimater clients et conseillers au digital, le 1er challenge des banques
Pour Baudoin Choppin de Janvry, le sujet central au sein des banques repose sur la capacité du conseiller à évoluer. La réussite de ce nouveau système dépend à la fois d’une acclimatation des clients et des conseillers au digital, afin que ces derniers ne soient pas « contre lui mais tout contre lui. »
Concrètement : trouver dans le digital un moyen de se rapprocher du client et de coller au mieux à ses habitudes. « La question à se poser est : vais-je réussir à respecter le modèle de consommation bancaire de mon client ? Dans le cas contraire, quelle est ma valeur ajoutée ? »
Dans ce contexte où le pouvoir « a changé de mains », les banques doivent en plus adopter une « vision client », s’adapter face aux nouveaux acteurs disruptifs qui ont fait leur apparition sur leur secteur. Si pour le Directeur Conseil Industrie Financière les FinTechs ne représentent pas une véritable menace, mais plutôt un « aiguillon » sur le secteur, elles ne doivent cependant pas être occultées. « L’architecture ouverte de produit est un vrai sujet », explique Baudoin Choppin de Janvry. Sur le modèle de grandes banques européennes, certaines structures françaises adressent leurs clients aux FinTechs afin de les équiper de solutions innovantes qu’elles sont seules à posséder. Le spécialiste y voit les balbutiements de l’ouverture des bases clients. Le challenge pour les banques ? Veiller à ne pas se retrouver dans une position de « productrice de données », et surveiller de près l’activité de distribution effectuée par les néo-banques et l’éventuelle irruption des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), au risque de se faire damer le pion.